7 mots savoyards impossibles à traduire !
Pourquoi certaines langues semblent-elles pouvoir dire en un mot ce que d’autres peinent à exprimer en une phrase entière ? Parce qu’elles portent, en elles, un monde.
Héritière d’une culture enracinée mais aussi d’une histoire politique et linguistique singulière, elle s’est développée dans un territoire autrefois bilingue, à la croisée d’influences latines bien plus directes que dans une France qui fut voisine pendant de nombreux siècles.
Les territoires savoyards ayant fait partie d’un ensemble étatique multilingue, où coexistaient français, savoyard, italien, piémontais, occitan, etc. Cette richesse historique se lit encore dans son vocabulaire — dense, imagé, profondément incarné.
Voici 7 mots savoyards aussi intraduisibles que savoureux. Ils racontent le feu, l’amour, la nostalgie… et surtout, un territoire et ses habitants.
1. Torrâye : le feu de berger ancestral
Bien plus qu’un simple feu, la torrâye désigne celui qu’on allume en montagne, entre bergers, pour veiller sur les troupeaux ou signaler une présence. Issu du verbe torré (brûler), ce mot dégage une chaleur symbolique : celle du lien entre humains et nature. Aujourd’hui encore, on parle de torrâye pour désigner un feu de camp que l’on fait près d’un lac ou en camping, pour se réchauffer, se rassembler, griller des pommes de terre ou simplement passer un moment chaleureux entre amis.
2. Falyêson : quand le feu devient fête
Proche d’un feu de joie, le falyêson évoque l’élan collectif, la flamme qu’on allume lors des fêtes communautaires en plein air. Ce bûcher flamboyant est une tradition vivace dans de nombreux villages savoyards : on l’allume pour célébrer le 1er mai, la Saint-Jean, le 15 août, ou encore le dimanche des brandons. Autour du feu, on chante, on échange, on rit, on tisse du lien.
3. Huchia : le cri qui rassemble
La huchia vient du verbe huchiér, qui signifie « crier pour appeler quelqu’un », en poussant un cri fort, souvent modulé comme un yodel. C’est un cri joyeux, lancé pour rassembler, se retrouver, partager un moment chaleureux.
4. Embièrno / Embièrna : l’ennuyeux attachant
Il ou elle est toujours là, à rabâcher, à tourner autour des mêmes sujets… mais on lui pardonne. Embièrno (masculin) et embièrna (féminin) désignent la personne casse-pied, mais avec une touche de familiarité affectueuse.
5. Encrêt : une nostalgie qui serre le cœur
Difficile à exprimer en français. L’encrêt, issu du verbe encrêre ou s’encrêtre, évoque un sentiment profond de nostalgie mêlé d’angoisse, une absence qui grandit, un mal du pays qui revient avec force. Nos nos encrêtens de quelqu’un, de quelque chose, de son pays : une émotion discrète, mais tenace.
6. Èquetrâye : la colère qui explose
Ce mot crépite comme une mèche allumée. Une èquetrâye, c’est le nom donné à une explosion de colère, sans prévenir. On pourrait aussi parler d’un èquetron, un tempérament sanguin, vif, qui s’emporte facilement. Certains parlent de sang-rojo (sang rouge), pour désigner cette impulsivité à fleur de peau. Un caractère volcanique, une indignation franche, sans détours.
7. Rogation : l’amoureux qui prie
Dans un sens bien différent du mot français, la rogation désigne ici un prétendant amoureux. Celui qui soupire, qui prie presque en silence pour obtenir le cœur de l’autre. Un mot discret, ancien, mais chargé de tendresse.
Et maintenant ?
La langue savoyarde est bien vivante, ces mots sont autant de fenêtres ouvertes sur une culture unique qui méritent d’être transmises. Partagez-les, dites-les, faites-les vôtres.